Comment Loos-en-Gohelle a lancé une dynamique systémique et est devenue une référence en termes de transition écologique.
Une dynamique systémique demande une implication de tous les acteurs, notamment des habitants. Il est alors évident que développer la participation citoyenne sur son territoire est un bon moyen de faire système. Rares sont pourtant les exemples de territoire ayant réussi à mettre en place une dynamique participative suffisamment efficace pour permettre de faire système. Penchons-nous sur le cas Loossois qui en est un.
Loos-en-Gohelle est une petite commune d'un peu moins de 7000 habitants, située dans le Nord pas de Calais. Marquée d'un héritage d'ancienne ville minière, Loos-en-Gohelle se tourne, au début des années 2000, vers une politique environnementale forte et opère une dynamique de transition écologique. La ville se place aujourd'hui comme référence en la matière. Lancée sous l'impulsion des maires Marcel et Jean-François Caron, cette dynamique ne serait pas devenue pérenne et systémique sans l'implication des Loossois.
On observe à Loos-en-Gohelle que la mise en récit a été une des clés pour permettre de faire système. Quand on parle de mise en récit, on évoque la capacité à donner un caractère narratif à des faits ou des idées et ainsi les valoriser et les rendre plus communicants.
Dans le cas de Loos-en-Gohelle, cette narration a permis de donner une cohérence dans les évolutions de la ville, en les inscrivant dans une trajectoire logique qui prend en compte son histoire. L'histoire de la ville est un point fondamental sur lequel s'est appuyée cette démarche de transition. Comme soulignée précédemment, l'activité minière a été le fer de lance de l'économie loossoise pendant de nombreuses années. Le territoire à donc connu une profonde crise après l'arrêt de cette activité. Cette crise marque le point de départ d'une dynamique de transition puisque la ville a été obligée de se réinventer, pour à nouveau se développer et par la même occasion rayonner.
Car en effet, les mines véhiculent un imaginaire péjoratif qui s'ancre dans l'héritage du territoire. Un imaginaire dont souffre aussi les Loossois, qui ont beaucoup d'estime et de fierté pour leur espace de vie et son histoire.
Le travail de mise en récit s'est alors structuré en deux points. D'une part, les acteurs publics ont mis en place une politique culturelle en vue d'éduquer et de valoriser cet héritage minier. L'objectif étant de donner une narration à l'évolution de la ville, de fonder cette dynamique de transition sur l'histoire du territoire, et surtout d'entretenir la fierté éprouvée par les habitants quant à ce dernier. D'autre part, cette fierté est le deuxième point sur lequel s'appuie la mise en récit. En effet, la démarche de transition environnementale était un moyen d'objectiver l'estime des Loossois envers leur ville. Cela explique ainsi l'implication des habitants dans différentes initiatives écologiques qui alimentent une dynamique de transition. Ils y voient alors un défi et une opportunité de changer l'image de leur ville et faire rayonner leur territoire, jusqu'alors mésestimé.
👉 La base 11-19 : exemple d'une transition mise en récit
La base 11-19 est un exemple concret de comment s'articule cette transition dans une logique de mise en récit.
La base 11-19 est un éco-pôle qui prend place sur les lieux de l'activité minière puisqu'elle se situe à proximité des terrils 11 et 19. On a alors ici une illustration d'une transition qui s'est construite sur les marqueurs de l'héritage minier du territoire. Cela permet donc la mise en récit de l'évolution et de la transition de la ville.
Nous l'avons vu, cette dynamique systémique a été en partie permise par une mise en récit et une implication globale de tous les acteurs. Cette implication est également rendu possible par l'organisation de l'action publique. On observe une certaine continuité dans l'action publique. Depuis plus de vingt ans, Jean-François Caron est maire de Loos-en-Gohelle et a pu mettre en place une politique de développement durable dans la ville. En 2001, il créait les instances que l'on retrouve dans la base 11-19. Le fonctionnement cet éco-pôle illustre parfaitement celui entre les différents acteurs du territoire, dont les maitres-mots sont la transversalité et l'interconnexion, pour parvenir à une dynamique systémique. On trouve dans la base 11-19 :
Ces quatre acteurs interconnectés illustrent ce processus de transversalité, qui s’opère ainsi hors des collectivités. Il y a ici un objectif de tisser un réseau d’acteurs qui ont une vocation différente mais néanmoins centrée sur un enjeu d’éco-transition partagé. Ainsi, nous avons quatre acteurs différents, interconnectés, qui eux-mêmes interagissent avec d’autres acteurs. Par exemple, le CDEE a pour but de former des chefs d’entreprises et des entreprises aux enjeux de transition. Un réseau d’acteurs à l’échelle du territoire se forme donc avec une dimension transversale et interconnectée.
La cohésion et l'interconnexion prônées par les acteurs loossois permettent ainsi une certaine cohérence dans l'action publique.
👉 La charte du cadre de vie à Loos-en-Gohelle : un exemple d'outil transversal qui permet l'implication citoyenne.
Cette charte est mise en place par la collectivité au début des années 2000. Elle consiste à ce que les élus, les experts et les citoyens collaborent pour construire des critères d'intérêts généraux auxquels les projets de la commune devront répondre. Ce document n'a pas le caractère officiel des documents d'urbanismes tels que le PLU, mais il a pour vertu d'influencer ces derniers.
En somme, on note que l'implication habitante est très forte à Loos-en-Gohelle ce qui rend possible une dynamique systémique. Cet engagement citoyen est permis par le développement d'une mise en récit de l'évolution de la ville, et la cohérence de l'action publique dans son fonctionnement et les outils qu'elle met à disposition. Pour autant, il faut souligner que cette dynamique est créée sous l'impulsion d'une figure et d'une volonté politique forte. Nous partons alors d'une dynamique unilatérale portée par le maire qui devient par la suite une dynamique systémique, une fois investie par tous les acteurs du territoire.
Le cas de Loos-en-Gohelle prouve que répondre à tous ces défis est un travail de longue haleine, qui demande une vision et une volonté politique sur le long terme. D'autres exemples illustrent ce propos, tels celui de la commune de Tramayes, portée par son maire Michel Maya, qui est devenue la première collectivités de plus de 1000 habitants à être passée à une énergie 100% renouvelable.
On retient néanmoins un élément très intéressant dans tout ca. La fierté et l'estime des habitants envers leur territoire ont été un moteur pour les impliquer dans les dynamiques de la ville. Ce sont donc des éléments sur lesquels capitaliser pour mobiliser les habitants.